Emeutes au Nigeria, manifestations au Burkina Faso : l’Afrique veut d’urgence reprendre le travail

De nombreuses voix se sont élevées pour mettre en garde contre des mesures qui ne sont pas applicables dans le contexte économique et social du continent.
De nombreuses voix se sont élevées pour mettre en garde contre des mesures qui ne sont pas applicables dans le contexte économique et social du continent.

Des dizaines d’ouvriers d’un chantier de construction, dont celui de la raffinerie construite par Aliko Dangote, l’homme le plus riche d’Afrique, se sont révoltés lundi 27 avril contre les mesures de confinement à Lagos, la capitale économique du Nigeria. « Les employés se sont soulevés pour protester contre les mesures de confinement car ils veulent retourner au travail », a expliqué à l’AFP Bala Elkana, porte-parole de la police locale.

« Ils ont blessé cinq policiers et vandalisé deux postes de police alentours », a-t-il indiqué, soulignant également que cinquante et un émeutiers avaient été interpellés et qu’ils seraient traduits en justice. Un porte-parole de la raffinerie de Dangote actuellement en construction, dans le quartier de Lekki, a confirmé l’incident.

Les quelque vingt millions d’habitants de Lagos, mégalopole tentaculaire, avaient reçu l’ordre de rester chez eux depuis le 30 mars, pour tenter de lutter contre la propagation du coronavirus dans le pays. Or ces mesures de confinement, également appliquées dans plusieurs autres Etats fédéraux, sont extrêmement douloureuses pour la grande majorité de la population, qui dépend de l’économie informelle.

Le président nigérian Muhammadu Buhari a annoncé lundi soir un déconfinement progressif dans le pays le plus peuplé d’Afrique à partir du 4 mai, mais imposera un couvre-feu nocturne et le port du masque.

Réouverture des marchés

De nombreuses voix se sont élevées ces derniers jours en Afrique subsaharienne pour mettre en garde contre des mesures qui ne sont pas applicables dans le contexte économique et social du continent, à la population en grande majorité très pauvre qui craint plus de mourir de faim que de subir le sort des 1 300 morts du Covid-19.

Au Burkina Faso, un peu plus à l’ouest, plusieurs centaines de commerçants ont manifesté lundi à Ouagadougou pour demander la réouverture de tous les marchés, fermés fin mars pour lutter contre la propagation du coronavirus. « Nous voulons la réouverture des marchés pour pouvoir reprendre nos activités et subvenir à nos besoins », lance Soumaila Tiendrebeogo, un commerçant de vêtements au marché Nabi-Yaar, un quartier populaire.

L’épidémie, qui a causé au 28 avril 42 morts pour 635 cas confirmés dans ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest, avait entraîné la fermeture d’une quarantaine de marchés dans la capitale de 3 millions d’habitants le 25 mars, deux semaines après l’apparition de la maladie.

Le 20 avril, les autorités ont rouvert le grand marché de Ouagadougou puis celui de Bobo-Dioulasso, deuxième ville du pays, suscitant un grand espoir auprès des commerçants des autres marchés restés fermés. « Cela fait plus d’un mois que les marchés sont fermés. On n’a plus rien à manger. Aucune aide. Des dons de vivres sont faits mais peu de personnes en bénéficient, et en petite quantité », se plaint Soumaila Tiendrebeogo. « Qu’ils ouvrent maintenant les marchés. C’est tout ce que nous voulons. Nous n’attendons rien d’autre » du gouvernement, soutient la porte-parole des manifestants, Bibata Keïta.

« On est fatigué »

« Si demain les marchés ne sont pas ouverts, le pays va prendre feu. On est fatigué. Cette maladie est utilisée de façon politique et à d’autres fins. Nous, nous ne connaissons pas de malades de coronavirus. Ce sont eux les riches qui ont ça et nous empêchent de vivre », estime-t-elle, reprenant un discours très présent dans la population.

Selon Moumouni Sanfo, un commerçant de pièces détachées d’engins à deux roues, « si on a pu ouvrir le grand marché, on peut le faire pour tous les autres marchés. Il faut mettre en place les mêmes mesures, notamment le lavage des mains, la prise de température et le port systématique des masques ». Selon une source auprès de la mairie de Ouagadougou, une réunion d’urgence a été convoquée avec les maires des différentes communes de la ville.

La pandémie de Covid-19 met à rude épreuve la fragile économie du Burkina Faso, déjà éprouvée par la lutte contre les groupes djihadistes depuis cinq ans. La croissance devrait chuter à 2 %, au lieu des 6,3 % initialement prévus, selon le gouvernement.