Mamoudou Gassama, d’un foyer de Montreuil à l’Elysée

L’existence du jeune héros Malien sans papier qui a sauvé un petit garçon suspendu à un balcon à Paris va radicalement changer. Un titre de séjour lui sera remis ce mardi.

« Les Maliens, comme les Français, on est contents des deux côtés ! » Dans la cour du foyer Rochebrune pour travailleurs migrants de Montreuil (Seine-Saint-Denis), Makan - qui y vit depuis presque cinquante ans - résume le sentiment collectif. C’est ici, dans ce bâtiment de 430 places, que Mamoudou Gassama, originaire de la région de Kayes au Mali, s’est posé à son arrivée en France en septembre.

Parti du Mali en passant par le Burkina Faso, Mamoudou a fait un périple qui se compte en années. Il stagne un an en Libye, réussit à franchir la Méditerranée, reste cinq ans en Italie, avant de finir par rejoindre son frère à « Bamako-sur-Seine », le surnom de Montreuil. À côté de son aîné, qui nettoie des vitres à Paris, il a trouvé un matelas dans une des chambres qui comptent six lits et quelques couchages de fortune au sol. Il travaille « dans le bâtiment, au noir ».

« C’est un jeune homme calme et sportif », poursuit Makan, une des « mémoires » du foyer. « Il fait de la gymnastique, du foot sur le terrain Branly. C’est un jeune compétent. Mais il n’a pas de papiers, pas de travail déclaré. Il n’a rien. Nous, on n’a rien. »

Un éclairage sur les conditions de vie des migrants

L’acte héroïque de Mamoudou n’a pas seulement braqué les projecteurs sur lui, il a montré au grand jour les conditions de vie de ses compagnons. « La vie ici est difficile, renchérit Moctar, originaire de la même région que le héros. On est trop nombreux dans les pièces pour dormir. » « Il y a urgence à rénover ces foyers, certains sont insalubres, d’autres très délabrés », appuie le maire (PCF) de Montreuil Patrice Bessac qui en appelle au Premier ministre afin que le dossier de reconstruction avance.

Mamoudou Gassama sera fait citoyen d’honneur de la ville. « Je suis très heureux que l’on voit les migrants comme une richesse, explique Patrice Bessac qui a proposé au héros de « faire en sorte qu’il soit rapidement relogé ».

Un changement de vie radical qui a commencé lundi matin par la réception du jeune homme à l’Élysée par le Président Macron. « Vous avez fait quelque chose d’exceptionnel, le congratule le chef de l’État. Vous avez sauvé cet enfant. Fort de tout ça, on va régulariser vos papiers. Et si vous le souhaitez, engager une procédure de naturalisation. »

Ému, le jeune Malien a quitté l’Élysée avec un diplôme pour « acte de courage et de dévouement ». « Je n’ai rien pensé, j’ai pensé à le sauver et Dieu merci, je l’ai sauvé », a confié le jeune homme. La promesse présidentielle prendra effet dès mardi : Mamadou sera reçu à 10 heures à la préfecture de Seine-Saint-Denis où lui sera remis un titre de séjour. Un service civique dans la prestigieuse Brigade des sapeurs-pompiers de Paris a été également proposé au jeune homme.

«Hypocrisie» et «récupération politique»

Plusieurs associations d’aide aux migrants ont dénoncé l'« hypocrisie » du gouvernement et une « récupération politique éhontée » du jeune Malien, qui masque mal, selon elles, « la dureté de la politique » migratoire. Le projet de loi durcissant l’immigration et l’asile en France doit être définitivement adopté pendant l’été.

Le père de l’enfant sauvé par Mamoudou « était parti pour faire les courses », a expliqué lundi le procureur de Paris François Molins. « Effondré », il sera jugé « en septembre » pour soustraction à des obligations parentales. Placé deux jours dans une structure d’accueil, l’enfant va être rendu à ses parents, l’enquête sociale diligentée par le parquet ayant écarté un « risque immédiat de danger ». La maman du garçonnet, en déplacement temporaire à La Réunion, devait arriver ce mardi en métropole.