Catastrophes et conflits ont fait plus de 30 millions de déplacés dans le monde en 2017

Les événements climatiques extrêmes sont la principale cause des migrations forcées à l’intérieur d’un pays.
Les événements climatiques extrêmes sont la principale cause des migrations forcées à l’intérieur d’un pays.

Les images, souvent tragiques, des migrants affluant vers l’Europe font parfois oublier une autre réalité : celle des « déplacés internes », c’est-à-dire des personnes contraintes de fuir leur village ou leur ville tout en restant à l’intérieur des frontières de leur pays. Leurs cohortes ne cessent pourtant de s’allonger. Elles sont 30,6 millions dans le monde à avoir vécu cette épreuve en 2017, selon le dernier rapport, publié mercredi 16 mai, de l’Internal Displacement Monitoring Center (IDMC).

Cet organisme, créé en 1998, s’efforce d’effectuer le suivi le plus exhaustif possible de ces mouvements, avec des données portant cette année sur 143 pays et territoires. Il veut ainsi alerter sur le sort d’individus qui, à la différence des réfugiés cherchant asile dans un autre pays, ne bénéficient pour l’instant d’aucun statut juridique assurant – au moins en théorie – leur protection.

Sont comptabilisés à la fois les déplacements internes liés à des conflits (guerres, violences pour motifs politiques, ethniques ou religieux, criminalité…) et ceux provoqués par des catastrophes naturelles ou climatiques, les deux causes combinant parfois leurs effets.

« Sur l’ensemble de l’année écoulée, le nombre de nouveaux déplacés en raison de conflits a atteint 11,8 millions, soit presque deux fois plus qu’en 2016, indique Alexandra Bilak, directrice de l’IDMC. C’est le chiffre le plus élevé depuis dix ans et il est dû pour plus de moitié à la situation dans trois pays, Syrie, Irak et République démocratique du Congo, qui vivent des crises humanitaires majeures. » Et encore certains Etats, comme le Yémen, n’apparaissent-ils pas dans le recensement, faute d’informations précises.

« Impacts cumulatifs »

Ces déracinés s’ajoutent à ceux des années antérieures, même s’il existe aussi des flux de retours, au demeurant souvent précaires et suivis de nouveaux départs. Au total, Alexandra Bilak évalue à « au moins 40 millions » le nombre actuel de déplacés pour cause de conflits ou de violences.

Dans le même temps, un nombre encore plus important de personnes – 18,8 millions, notamment en Chine et aux Philippines – ont été forcées de quitter leurs terres par des catastrophes de toute nature. Il s’agit, en très grande majorité, d’événements climatiques extrêmes, principalement inondations (8,6 millions), tempêtes et ouragans (7,5 millions), alors que le tribut payé aux séismes et aux éruptions volcaniques est resté l’an passé relativement modéré (un peu moins de 800 000).

Pour la première fois, l’IDMC a quantifié les déplacements consécutifs à des sécheresses, soit 1,3 million dans les seuls quatre pays pour lesquels il dispose de données fiables : Ethiopie, Somalie, Burundi et Madagascar. Des chiffres très partiels donc, mais qui montrent que le dérèglement climatique est devenu un facteur de déstabilisation de plus en plus prégnant.

« D’autant plus, souligne la directrice, que les désastres s’enchaînent, avec des impacts cumulatifs sur des populations déjà éprouvées. » C’est ainsi qu’après avoir subi l’an passé une sécheresse dévastatrice, la corne de l’Afrique fait désormais face à des pluies diluviennes.

Derrières ces statistiques générales se cachent autant de drames humains, sur lesquels la communauté internationale a peu de prise directe, dans la mesure où la gestion des migrations intérieures relève de la « souveraineté » de chaque Etat. A défaut de convention accordant un statut particulier aux déplacés internes, les Nations unies ont toutefois édicté, en 1998, des « principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays », destinés à leur garantir des droits et une protection, tant durant leur exil que lors de leur réinstallation dans leur foyer d’origine.

« Vingt ans après l’adoption de ces principes, les progrès restent très insuffisants, commente Alexandra Bilak. Au-delà de l’amélioration de la réponse qui peut être apportée à ces crises par des programmes d’aide humanitaire, les gouvernements eux-mêmes doivent se saisir de cette question. La communauté internationale doit aider, par un dialogue constructif, à trouver des solutions adaptées à chaque pays. »

Il en va, ajoute l’IDMC, des objectifs communs qui sont au cœur de l’Organisation des Nations unies : maintien de la paix et de la sécurité, respect des droits de l’homme, développement durable…