Au Congo-Brazzaville, le président Sassou-Nguesso fait condamner ses opposants

Après le général Jean-Marie Michel Mokoko, condamné à vingt ans de prison le 11 mai, c’est au tour du général Norbert Dabira, un autre ex-proche du président congolais, de se retrouver traîné devant la justice. Pour cet éditorialiste burkinabé, “le rouleau compresseur du dictateur Sassou est impitoyable”.
Après le général Jean-Marie Michel Mokoko, condamné à vingt ans de prison le 11 mai, c’est au tour du général Norbert Dabira, un autre ex-proche du président congolais, de se retrouver traîné devant la justice. Pour cet éditorialiste burkinabé, “le rouleau compresseur du dictateur Sassou est impitoyable”.

La saison des procès et condamnations d’opposants bat son plein au Congo-Brazzaville. En effet, après la condamnation, vendredi 11 mai, à vingt ans de prison ferme, du général Jean-Marie Michel Mokoko, pour “atteinte à la sécurité intérieure de l’État”, c’est un autre officier supérieur, en la personne de Norbert Dabira, qui était à la barre, mardi 15 mai 2018, pour répondre des mêmes faits.

Pendant ce temps, Jean-Martin Mbemba et André Okombi Salissa, détenus pour les mêmes motifs, sont dans l’antichambre de la justice, attendant impatiemment l’ouverture de leur procès.

Comme quoi, au pays de Sassou Nguesso [président de la République du Congo depuis 1997], il ne fait pas bon être opposant, tant le rouleau compresseur du dictateur est impitoyable. En fait, le maître de Brazzaville, étant lui-même arrivé au pouvoir par les armes [il a remplacé le président Pascal Lissouba après une guerre civile], a fini par développer une paranoïa tendant à faire de ses anciens collaborateurs des ennemis à abattre.

L’affaire des disparus du Beach

C’est le cas de Jean-Marie Michel Mokoko qui, pour avoir lorgné le trône de Sassou, est tombé en disgrâce au point d’être présenté comme un réactionnaire par le régime de Brazzaville. [Ancien chef d’état-major et ex-conseiller du chef d’État, il avait défié Sassou-Nguesso à la présidentielle de 2016 et avait refusé de reconnaître la réélection contestée du président, qui a obtenu 60 % des voix.]

C’est le cas aussi du général Norbert Dabira [ex-proche du pouvoir], qui, parce qu’il en sait peut-être trop sur l’affaire des disparus du Beach, est aujourd’hui voué aux gémonies. [Plusieurs centaines de personnes proches de l’opposition ont disparu en mai 1999 à leur retour d’exil après leur arrivée au Beach de Brazzaville, le débarcadère fluvial de la capitale congolaise. Le rôle de hauts responsables d’État, dont le président Sassou-Nguesso, a été dénoncé. Une procédure judiciaire est toujours en cours en France.]

Et comme on le sait, qui veut tuer son officier l’accuse de félonie. On le soupçonne alors d’être au cœur d’un projet de coup d’État. Mieux, une conversation téléphonique interceptée [en novembre 2017] par les services de renseignements intérieurs le présente comme celui-là qui voulait abattre l’avion du président Sassou-Nguesso en plein vol, au retour d’un séjour dans son fief d’Oyo [dans le centre du pays].

Se servir de la justice pour rester au pouvoir

De toute évidence, le président Sassou, à travers ces procès et condamnations tous azimuts, a un objectif précis, qui est de faire taire à jamais ses contempteurs et tous ceux-là qui, pour une raison ou une autre, pourraient lui chercher noise. Ce faisant, il utilise la justice comme épouvantail.

C’est en cela qu’il faut saluer la démarche des avocats de Jean-Marie Mokoko, qui, conscients que les juges congolais sont aux ordres du prince régnant, ont décidé de saisir la justice internationale pour plaider la cause de leur client, victime, disent-ils, d’une “cabale politique”.

Mais selon toute vraisemblance, ce n’est qu’un cautère sur une jambe de bois. Car Sassou n’en a cure, d’autant plus qu’à ce qu’on dit les décisions des juridictions internationales choisies [la Commission africaine des droits de l’homme et le groupe de travail des Nations unies contre la détention arbitraire] n’ont pas un caractère contraignant.