Pour garder le pouvoir, le président congolais Kabila continue de réprimer

Six personnes ont été tuées le 21 janvier par les forces de l’ordre qui ont violemment dispersé des manifestants exigeant le départ de Joseph Kabila. Ce dernier devait partir fin décembre 2016. Il s’accroche au pouvoir à tout prix, mais la contestation grandit.
Six personnes ont été tuées le 21 janvier par les forces de l’ordre qui ont violemment dispersé des manifestants exigeant le départ de Joseph Kabila. Ce dernier devait partir fin décembre 2016. Il s’accroche au pouvoir à tout prix, mais la contestation grandit.

Comme l’on s’y attendait, c’est à un autre “bloody Sunday” [“dimanche sanglant”, en référence aux événements de 1972 en Irlande du Nord] auquel on a assisté ce dimanche 21 janvier, en République démocratique du Congo (RDC). Trois semaines exactement après les tueries perpétrées le dimanche 31 décembre 2017 par les alguazils à la gâchette facile et à la solde de Joseph Kabila, suite à la manifestation qu’avait organisée un mouvement catholique contre le maintien au pouvoir du président congolais [à la tête de la RDC depuis 2001, il devait quitter ses fonctions en décembre 2016, à la fin de son dernier mandat].

Ce dimanche, c’est sous l’égide de ce même Collectif des laïcs catholiques que des Congolais de Kinshasa et des autres provinces ont battu le pavé pour exiger du locataire du palais de Marbre, une déclaration sans ambiguïté sur sa décision irrévocable de ne plus rempiler à la tête de ce pays-continent, conformément à l’accord dit de la Saint-Sylvestre arraché in extremis le 31 décembre 2016 par le cardinal Laurent Monsengwo et les siens.

Bibles et chapelets contre balles réelles

Cette manifestation, interdite par les autorités comme les précédentes, a drainé du monde à Kinshasa même et dans les capitales provinciales ; ce qui a évidemment ulcéré les partisans de Kabila-fils [son père, Laurent-Désiré Kabila, a été président de RDC de 1997 à 2001], et donné l’occasion à la police et à l’armée congolaises de démontrer encore une fois ce qu’elles savent faire le mieux, c’est-à-dire réprimer dans le sang, des populations civiles qui n’ont pour armes que leurs bibles, leurs chapelets et leurs sifflets.

Le bilan [des Nations unies] fait état de six morts, [d’une cinquantaine] de blessés et [d’une centaine] d’arrestations. En tout cas, les jours à venir risquent d’être particulièrement agités pour Joseph Kabila. En face, ce sont quasiment toutes les composantes sociopolitiques du pays qui sont vent debout contre la dictature qui s’est bonifiée, pardon, qui s’est avariée au fil des années.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le compte à rebours a commencé pour celui qui rêve toujours d’un troisième mandat, puisque ses soutiens traditionnels comme le Zimbabwéen Robert Mugabe et l’Angolais José Eduardo dos Santos ne sont plus aux affaires, le Sud-Africain Jacob Zuma est sur le point de faire ses valises, alors que l’Ougandais Yoweri Museveni, le Rwandais Paul Kagamé et le Tanzanien John Magufuli ne lui pardonnent pas son incapacité à faire régner l’ordre et la sécurité dans les provinces congolaises qui jouxtent leurs pays respectifs.

À l’intérieur même de la RDC, c’est une coalition de plus en plus large d’opposants, qui entend désormais faire barrage aux velléités monarchiques de celui qui est entré dans l’histoire du pays par un cruel concours de circonstances, en remplaçant au pied levé son père au lendemain de son assassinat, il y a dix-sept ans presque jour pour jour.

Une contestation grandissante face aux velléités monarchiques

La tâche sera d’autant plus difficile pour Joseph Kabila que cette fois-ci, ce sont les religieux qui mènent la fronde, avec l’Église catholique en première ligne. Certes, ce n’est pas la première fois que les prélats congolais outrepassent leur devoir d’évangélisation pour opiner sur la vie politique de leur pays, mais cette fois-ci, ils ne prennent pas de gants, en demandant ouvertement au président en exercice de débarrasser le plancher à la fin du “temps additionnel” qui lui a été donné pour préparer sa sortie [les élections ont été repoussées au 23 décembre 2018].

La pression conjuguée et grandissante de la communauté internationale, de l’opposition politique, des religieux et de la société civile congolaise sera fatalement intenable, et pourrait ouvrir les portes de l’enfer pour le major-général Joseph Kabila, du moins s’il ne renonce pas, dans les meilleurs délais, à son désir suicidaire de ruser avec son peuple et avec la Constitution de la RDC.