Vu des États-Unis. À Paris, des migrants laissés aux portes de l’humanité

The New York Times est allé à la rencontre des migrants désœuvrés dans les rues de Paris cet hiver. Le gouvernement, dépassé, fait face à de vives critiques sur ce sujet.
The New York Times est allé à la rencontre des migrants désœuvrés dans les rues de Paris cet hiver. Le gouvernement, dépassé, fait face à de vives critiques sur ce sujet.

Jibran raconte comment il s’est échappé des mains des Talibans qui ont tué trois de ses frères, puis a réussi à traverser l’Europe à bord d’un camion réfrigéré sans y laisser sa vie, avant de persuader les autorités françaises de lui accorder le droit d’asile. Mais le jeune Afghan de 25 ans dort toujours sous une tente, dans les rues glacées de Paris.

Il fait partie de ces centaines de migrants sans domicile qui dorment en plein froid dans des campements sous les ponts, dans des parcs ou près des discothèques animées de la capitale française. Loger et intégrer les migrants qui affluent est un casse-tête permanent à Paris, comme dans beaucoup d’autres grandes villes européennes.

Des autorités débordées

“Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus”, avait déclaré le président Emmanuel Macron, en juillet. La promesse s’est révélée difficile à tenir, reconnaît Raphaël Sodini, le directeur de l’asile au sein du ministère de l’Intérieur. Quand le camp tentaculaire de Calais, la fameuse “jungle”, a été fermé en octobre 2016, une grande partie de ses 8 000 migrants se sont alors débrouillés pour gagner d’autres villes, dont Paris.

La France a mis en place de nouveaux centres de traitement des demandes, et cherché à réduire la durée de la procédure d’asile. Malgré tout, les autorités sont débordées face au flot constant de nouveaux arrivants, et l’offre d’hébergement d’urgence pour migrants reste limitée : seulement 400 lits pour hommes célibataires sont disponibles à Paris, et les migrants ne peuvent y rester que dix nuits maximum.   

J’ai passé trois nuits avec des membres de Paris Refugee Ground Support (PRGS), un groupe non officiel d’aide aux réfugiés qui œuvre sur le terrain en distribuant des couvertures et autres produits de première nécessité aux migrants qui vivent dans les rues, en attendant d’être fixés sur leur sort en France. 

Si les récits des migrants sont difficiles à vérifier dans les détails, tous soulignent les difficultés rencontrées pour trouver un hébergement à Paris.

Abdelbashir, 20 ans, raconte qu’il est arrivé depuis peu du Soudan, après avoir fui les violences au Darfour en traversant le Sahara, puis la Méditerranée à bord d’un frêle bateau de pêche. Une fois arrivé en Italie, il a rejoint la France à pied, avec aux pieds les tongs qu’il portait en partant de chez lui.

Comme beaucoup d’autres migrants, il attend d’avoir un rendez-vous pour sa demande d’asile et pour obtenir une place dans un centre d’hébergement longue durée. Mais même ceux qui parviennent à en avoir une risquent de la perdre à la moindre incartade. Il est rare que les informations soient rédigées dans la langue maternelle des migrants, et les règlements des foyers pour demandeurs d’asile changent constamment, notamment les règles en matière de visite et de couvre-feu.

Ismaïl, un Somalien de 25 ans, dort sous un rideau de douche, dans un recoin empestant l’urine sous une voie rapide. En sortant de son sac à dos les documents relatifs à sa demande d’asile, il fond en larmes. Cela fait plus d’un an qu’il vit dans la rue et qu’il n’est pas entré en contact avec sa femme et ses enfants, qui vivent dans un camp de réfugiés au Kenya, parce qu’il a honte… Il lance :

Je respecte la France, mais la France ne me respecte pas.”

Il suffit parfois de deux semaines pour obtenir une réponse à une demande d’asile. Ceux qui bénéficient d’une décision positive restent alors en France, tandis que les autres sont renvoyés dans le pays de l’Union européenne par lequel ils sont arrivés, ou sont expulsés dans leur pays d’origine.

En revanche, avoir un rendez-vous avec l’administration pour déposer son dossier peut prendre des semaines, voire des mois, pendant lesquels la France ne fournit que le strict minimum (comme de l’eau et l’accès à des sanitaires) à ceux qui attendent.

Même dans la rue, un manque de places

C’est le cas de Mohammed, qui dort avec un groupe d’une soixante-dizaine d’hommes dans un parc situé juste en dehors des limites de la ville. Ce Soudanais de 22 ans raconte avoir vu se noyer près de la moitié des gens ayant embarqué comme lui à bord d’un bateau plein à craquer qui a sombré au large des côtes libyennes.

Comme je lui demande s’il a profité de cette attente pour apprendre le français, il me répond que c’est difficile, mais qu’il y a deux mots qu’il connaît bien : “merci” et “peut-être”.

Ces derniers mois, même trouver une place pour dormir dans la rue est devenu difficile. Les migrants ont peur de se faire repérer par les forces de police puissamment armées qui viennent régulièrement les tirer de leur sommeil sur leur campement de fortune, en écrasant les tentes ou en les lacérant à coups de couteau pour qu’elles ne puissent plus resservir.

Il suffit parfois de deux semaines pour obtenir une réponse à une demande d’asile. Ceux qui bénéficient d’une décision positive restent alors en France, tandis que les autres sont renvoyés dans le pays de l’Union européenne par lequel ils sont arrivés, ou sont expulsés dans leur pays d’origine.

En revanche, avoir un rendez-vous avec l’administration pour déposer son dossier peut prendre des semaines, voire des mois, pendant lesquels la France ne fournit que le strict minimum (comme de l’eau et l’accès à des sanitaires) à ceux qui attendent.

Même dans la rue, un manque de places

C’est le cas de Mohammed, qui dort avec un groupe d’une soixante-dizaine d’hommes dans un parc situé juste en dehors des limites de la ville. Ce Soudanais de 22 ans raconte avoir vu se noyer près de la moitié des gens ayant embarqué comme lui à bord d’un bateau plein à craquer qui a sombré au large des côtes libyennes.

Comme je lui demande s’il a profité de cette attente pour apprendre le français, il me répond que c’est difficile, mais qu’il y a deux mots qu’il connaît bien : “merci” et “peut-être”.

Ces derniers mois, même trouver une place pour dormir dans la rue est devenu difficile. Les migrants ont peur de se faire repérer par les forces de police puissamment armées qui viennent régulièrement les tirer de leur sommeil sur leur campement de fortune, en écrasant les tentes ou en les lacérant à coups de couteau pour qu’elles ne puissent plus resservir.