Portrait. À 73 ans, le président ougandais s’accroche au pouvoir

Âgé de 73 ans, Yoweri Museveni a ratifié une modification constitutionnelle retirant la limite d’âge pour se présenter à la présidentielle. Au pouvoir depuis 1985, le chef d’État vise un sixième mandat lors du prochain scrutin en 2021. Un anachronisme pour cet éditorialiste guinéen.
Âgé de 73 ans, Yoweri Museveni a ratifié une modification constitutionnelle retirant la limite d’âge pour se présenter à la présidentielle. Au pouvoir depuis 1985, le chef d’État vise un sixième mandat lors du prochain scrutin en 2021. Un anachronisme pour cet éditorialiste guinéen.

Yoweri Museveni, le président ougandais, rejoint le camp des leaders africains qui se pervertissent avec l’âge. Pourtant, en Afrique, le grand âge est censé rimer avec sagesse.

Du haut de ses 73 ans dont 31 passés à la tête de son pays, il aurait pu invoquer son bilan pour revendiquer tous les honneurs. Mais en lieu et place, cédant sans cesse à sa boulimie du pouvoir, il cumule désormais cinq mandats obtenus au prix d’élections à la transparence toujours douteuse et du musellement de son opposition.

Convaincu d’être l’unique garant de la stabilité du pays, il vient ainsi d’avaliser une seconde modification constitutionnelle qui fait sauter la limite d’âge qui lui interdisait un sixième mandat [une décision rendue publique le 2 janvier]. Aussi, il s’offre virtuellement le pouvoir à vie. Au grand dam d’une opposition qui n’existe que de nom, mais grâce à une tacite complicité de la communauté internationale qui fait dans le deux poids, deux mesures.

Le Robert Mugabe ougandais

De toute évidence, Yoweri Museveni marche sur les traces de Robert Mugabe [ex-président zimbabwéen au pouvoir de 1980 à 2017]. Comme le vieux Bob, le président ougandais ne traîne pas que des casseroles.

Aux yeux de nombreux de ses compatriotes, il est celui qui a aidé à tourner les pages douloureuses des dictatures qu’Idi Amin Dada [1971-1979] et Milton Obote [1966-1971, 1980-1985] avaient successivement instaurées dans ce pays des Grands Lacs. Jusqu’à tout récemment, la longue stabilité que le pays a connue ces dernières années lui était également associée.

Marxiste à son arrivée au pouvoir en janvier 1986, il s’était empressé de virer vers le libéralisme. Choyé par les institutions de Breton Woods (Fonds monétaire international et Banque mondiale) ainsi que par les chancelleries occidentales en général et Washington en particulier, il avait aussi réussi en peu de temps à faire de l’économie ougandaise, une référence, avec des taux de croissance variant entre 6 et 7 %.

Mais comme on l’a constaté avec Robert Mugabe, ce passé élogieux est aujourd’hui écorné par les velléités dictatoriales que manifeste le même Museveni.

Des velléités dont les raisons se trouvent exclusivement dans le goût immodéré du président ougandais pour le pouvoir. Une boulimie qui s’est manifestée la première fois en 2005 quand le président a décidé de faire sauter le verrou limitant le nombre de mandats à deux. Une manœuvre qui, depuis, lui a permis de se faire réélire à trois reprises. Ce qui lui fait un total de cinq mandats.

Et c’est en prévision d’un sixième mandat qu’il vient d’opérer une autre modification constitutionnelle. En effet, s’il lui était loisible de postuler autant de fois qu’il le souhaitait, les dispositions de la constitution fixaient une limite d’âge de 75 ans pour briguer le fauteuil présidentiel. En 2021, Museveni en aura 76. Ce qui l’excluait de facto de la course électorale. D’où le tripatouillage qui supprime cette autre entrave à sa future candidature.

8 000 dollars offerts à chaque député

Outre l’acte lui-même, c’est la manière dont s’est pris le président pour modifier la constitution qui est inquiétante. En effet, bien que le Parlement étant largement acquis à sa cause, le président ougandais a dû offrir une rondelette prime de 8 000 dollars [6 700 euros] à chacun des députés s’étant prononcé en faveur de la modification. De même, la durée du mandat des parlementaires a été rehaussée de 2 ans, passant de 5 à 7 ans.

C’est ce caractère à la fois flagrant et arrogant qui est le plus blâmable. C’est une attitude qui, d’une part, symbolise le peu de respect que le président a pour ses compatriotes, et d’autre part, est révélatrice de la prédisposition de la classe politique à se laisser manipuler par le démon argent. Ce qui n’est pas de bon augure pour le futur de l’Ouganda. D’autant que l’exemple doit venir d’en haut et l’imitation d’en bas.