Les Emirats arabes unis, architectes d’un nouvel empire maritime

Sous l’influence du prince héritier d’Abou Dhabi, les Emirats arabes unis mènent une diplomatie des ports et de la canonnière, du Yémen à la Corne de l’Afrique, cherchant à  étendre leur emprise jusque dans l’océan Indien.
Sous l’influence du prince héritier d’Abou Dhabi, les Emirats arabes unis mènent une diplomatie des ports et de la canonnière, du Yémen à la Corne de l’Afrique, cherchant à  étendre leur emprise jusque dans l’océan Indien.

Le premier ministre du Yémen, Ahmed Ben Dagher, a une façon bien à lui de rappeler à ses concitoyens qu’ils dépendent encore d’une autorité centrale : un gouvernement impuissant, certes, pathétique souvent, mais M. Ben Dagher ne s’en laisse pas conter. L’hiver dernier, cet apparatchik rondouillard à la voix fluette est resté enfermé durant plusieurs semaines dans le palais présidentiel d’Aden, capitale provisoire du pays depuis 2015. C’était une preuve de courage incontestable : la plupart des ministres ne mettent plus les pieds dans cette cité portuaire hostile, préférant vivre un exil plus tranquille en Arabie saoudite ou dans les pays amis de la région.

Fin janvier, des combats ont éclaté entre la garde présidentielle et le mouvement séparatiste du Yémen du Sud, appuyé par des milices salafistes, qui demandaient la démission de M. Ben Dagher et de son gouvernement. Ces forces se sont imposées dans une large partie de la ville, jusqu’aux grilles du palais, avec la bénédiction de leur parrain régional, les Emirats arabes unis. Le premier ministre avait finalement pu quitter Aden grâce à une médiation saoudienne.

Sur l’île yéménite de Socotra

Le 28 avril, M. Ben Dagher a remis le couvert. Pour rappeler l’Etat yéménite au bon souvenir de la population de Socotra, il s’est rendu dans cet archipel isolé, un bijou de la nature à l’écosystème unique au monde, situé à l’embouchure du golfe d’Aden. Une plaque commémorative a été posée dans le village d’Halaf et des projets de développement ont été annoncés. En réaction, les forces armées émiraties, qui occupent une base yéménite à Socotra, ont fait atterrir quatre avions de transport colossaux, des C-17 américains, sur l’unique piste de l’archipel : ils ont ­débarqué des blindés, dont au moins deux véhicules de combat BMP-3, et une centaine de soldats. Face à cette démonstration de force, M. Ben Dagher a tenu bon, affirmant qu’il ne quitterait pas l’île tant que les Emirats ne réduiraient pas leur présence....