Côte d’Ivoire. La libération de Simone Gbagbo suscite l’enthousiasme et la polémique

Le président Alassane Ouattara a gracié 800 Ivoiriens poursuivis ou condamnés après les violences postélectorales de 2011. Dont l’épouse de son ancien rival, Laurent Gbagbo.
Le président Alassane Ouattara a gracié 800 Ivoiriens poursuivis ou condamnés après les violences postélectorales de 2011. Dont l’épouse de son ancien rival, Laurent Gbagbo.

À la résidence du couple Gbagbo, située dans le quartier Riviera-Golf d’Abidjan, les partisans de l’ex-première dame ont tenu à lui réserver un accueil triomphal pour faire de cette journée du 8 août une date historique. Un important comité d’accueil l’attendait, où elle est arrivée ce début d’après-midi souriante et entourée d’une nuée de photographes”, décrit sur son site l’hebdomadaire Le Journal d’Abidjan. “C’est une folle ambiance au domicile des Gbagbo où larmes, accolades et chaudes étreintes sont mêlées aux émotions des retrouvailles”, renchérit le site d’actualités Linfodrome.ci.

Derrière les barreaux depuis sept ans, Simone Gbagbo est sortie le 8 août de sa cellule de l’école de gendarmerie d’Abidjan, la capitale économique ivoirienne. En 2015, la “Dame de fer” avait été condamnée à vingt ans de détention pour “atteinte à la sûreté de l’État”. Sa libération fait suite à l’annonce surprise d’amnistie du président Alassane Ouattara, deux jours plus tôt. Dans une allocution télévisée, le chef de l’État décidait de gracier près de 800 Ivoiriens poursuivis ou déjà condamnés suite à la sanglante crise postélectorale de 2011.

Réconciliation

Cette crise est née d’un conflit entre l’ex-président Laurent Gbagbo et son challenger d’alors, Alassane Ouattara, chacun revendiquant la victoire à la présidentielle de 2010. Plusieurs mois d’affrontements avaient conduit à la mort de plus de 3 000 personnes. Les violences ont pris fin le 11 avril 2011, lors de l’arrestation du couple Gbagbo par les forces soutenant Ouattara, épaulées par les soldats des Nations unies et l’armée française. Depuis, l’ancien chef d’État est incarcéré à la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité.

Dans son intervention du 6 août à la RTI, la chaîne publique ivoirienne, le président a précisé que cette décision était “une mesure de clémence” pour accélérer le processus de réconciliation entre citoyens et consolider la paix dans le pays. Dans sa résidence d’Abidjan, et devant les militants du Front populaire ivoirien, le parti fondé par son époux, Simone Gbagbo a fait une très courte déclaration pour remercier et féliciter ses supporters, rapporte Ivoire Soir : La refondation a commencé aujourd’hui. Toutes les choses sont nouvelles. Militants, militantes, levez-vous. On est partis. On est partis et on ne s’arrêtera pas.”

Les défenseurs des droits humains indignés

Si la grande majorité de la population salue ce geste d’apaisement du président ivoirien, des organisations telles que la Ligue ivoirienne des droits l’homme, Human Rights Watch et la Fédération internationale des droits de l’homme s’opposent catégoriquement à cette décision. Si le gouvernement ivoirien revient désormais sur ses engagements répétés de poursuivre les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, cela ouvre la voie à des procédures judiciaires devant les juridictions régionales et internationales, où les lois d’amnistie ne sont pas reconnues”écrivent-elles dans un communiqué, publié par Linfodrome.ci. Avant d’ajouter :

L’histoire de la Côte d’Ivoire montre à quel point l’impunité encourage la violence politique et les atteintes aux droits humains. À l’approche de l’élection présidentielle de 2020, une amnistie pour les crimes les plus graves de la crise postélectorale de 2010-2011 adresserait un dangereux message, selon lequel les leaders politiques qui ont recours aux atrocités pourront échapper aux sanctions.